Quelle(s) voie(s) vers l’utopie ?
Après la crise systémique du capitalisme : quelle(s) voie(s) vers l’utopie ?
Depuis maintenant plus de 40 ans, des analystes, des intellectuels – Gloria Anzaldua, Aimé Césaire, Enrique Dussel, Franz Fanon, Jurgen Habermas, Immanuel Wallerstein, André Gorz et tant d’autres – analysent les bases idéologiques et politiques de la fin historique du capitalisme ; de ce que pourrait être un système mondial en transition vers un ou de nouveau(x) système(s) alternatif(s). Depuis des années maintenant, le mouvement altermondialiste est né et s’est développé, sur d’autres continents, dans d’autres pays, de nouvelles formes d’organisation s’expérimentent dans la douleur des luttes.
Ce travail de synthèse et d’approfondissement n’a d’autre ambition que de tenter de rappeler quelques bases historiques et théoriques et d’imaginer des voies, moyens et propositions tendant à aboutir à un (des) autre(s) monde(s) aujourd’hui.
Je sais bien que résumer une si longue période en quelques pages est une gageure, il y a donc quelques imperfections. Comment, en effet, rappeler les cycles longs de Braudel, les cycles de Kondratieff de 40 à 60 ans, les cycles économiques classiques de quelques années ?? Il y faudrait mille pages et je souhaitais un texte court, accessible, ramassé.
Il aurait même fallu deux textes : un pour l’historique et un autre pour les valeurs de l’Utopie.
Ce n’est pas mon choix.
I – Le(s) système(s) mondial (aux) comme protestation contre le productivisme
La perspective d’un ou de plusieurs système(s) alternatif(s) est avant tout un appel, un cri, c’est en effet le très bon de départ du livre d’Holloway contre les perspectives libérales dans de nombreux domaines car l’idéologie libérale actuelle représente à la fois l’idéologie dominante de notre monde et sa base centrale géoculturelle. C’est, en effet, cette idéologie qui définit :
- les discours généraux et dominants,
- les normes,
- les idéologies les plus en cour,
- jusqu’aux représentations les plus concrètes par lesquelles les gens comprennent et interprètent leur vie, celle des autres, la société… Ce que Bourdieu a appelé leur « sens commun ».
Depuis plus de deux siècles, c’est-à-dire depuis, en gros, la Révolution Française pour ce qui nous concerne, ce Libéralisme économique ((Lorsque je parle du Libéralisme, je précise « économique » car « libéral » tout court ne veut rien dire. Je ne remets en effet pas en cause les valeurs du libéralisme politique des Lumières même si elles doivent être adaptées à notre temps. Libéraux et libertins ont en effet permis l’éclosion d’une pensée libertaire.)) se définit comme une idéologie productiviste à partir de deux notions principales : la notion de progrès et de l’idéologie développementaliste.
– 11 – L’idée/idéal de progrès : c’est l’idée qui veut nous faire croire que chaque pays du monde et tous les pays évoluent téléologiquement ((Téléologiquement : d’une manière téléologique, par rapport à une étude philosophique de la finalité ; relativement à la finalité.)) dans un sens et un seul. Ce sens est celui de l’amélioration des conditions de la vie sociale, économique et politique. Par delà ces trois notions, les pays évolueraient aussi vers plus de liberté, d’égalité et de fraternité. Le progrès technique (confort, santé) a besoin du progrès scientifique et les deux se joindraient naturellement pour provoquer un progrès moral et politique. L’HOMME ainsi remplace Dieu et devient omnipotent (par la technique), omniscient (par la science) et infiniment bon (par la morale et la politique). Ces évolutions peuvent n’intervenir que progressivement à travers un réformisme d’Etat. Mais elles peuvent aussi intervenir radicalement – de manière révolutionnaire – par une transformation radicale de l’Etat. Toutes les théories de la modernisation ou du progrès ont, de la sorte, leur version de droite ou « de gauche ».
– 12 – L’idéologie développementaliste : veut faire croire que chaque pays est doté d’autonomie et évolue, selon une courbe ascendante. Les sociétés de ces pays passent ainsi du stade traditionnel au stade « moderne » dans la version de droite. Dans sa version de gauche, ces pays évolueraient d’un stade précapitaliste vers le capitalisme puis vers un mode de production socialiste et, enfin, communiste.
§ Dans cette idéologie développementaliste, l’unité de base, c’est l’Etat-Nation. C’est à partir de l’Etat nation que l’on expliquera le développement et le sous-développement. En effet, pour un pays considéré, la culture de ses citoyens, les politiques d’Etat et le rôle de la classe dominante conduiraient vers l’une ou l’autre forme de développement. Selon les versions, de droite ou de gauche, on accentuera l’un ou l’autre. Mais, jamais au grand jamais, il ne sera question des déterminismes inhérents aux structures du pouvoir à l’échelle mondiale.
§ Réformiste ou révolutionnaire, de droite comme de gauche, cette idéologie reprend le modèle historique du développement des états-nations européens/occidentaux. Et fait passer ce développement historiquement et géographiquement déterminé pour la voie naturelle du développement (que le mécanisme soit la lutte des classes ou la main invisible, dans les deux cas, l’Histoire s’écrit à l’insu de ceux qui la font ; « à l’insu de leur plein gré »).
Illustrations de ces analyses :
– Le développementalisme depuis la première guerre mondiale :
Il a développé deux formes distinctes d’idéologie développementaliste : le wilsonisme et le léninisme.
o Le wilsonisme : En reconnaissant le droit des nations colonisées à l’autodétermination, le président Woodrow Wilson ((Remarquer que seul le progrès moral et politique est téléologique (rapprochement d’un point final). Les progrès techniques et scientifiques avancent par accumulation, développement (éloignement d’un point origine). D’où les tours de passe-passe d’une notion de progrès à l’autre.)) reconnaissait le droit, pour ces nations de lancer des politiques nationales. Mais il ne le reconnaissait que formellement. Ces politiques nationales étaient censées permettre à ces nations d’atteindre des niveaux de développement économique, social et politique du même ordre que ceux des pays occidentaux.
o Cent ans plus tard, il est évident que c’est faux. Il ne s’agissait que de piller ces cultures comme le développementisme justifie que soit pillée la nature.
o Pire, la deuxième moitié du XXème siècle et l’aggravation commencée sous l’emprise de la guerre froide et la présidence de Harry Truman ((Harry S. Truman 1884 – 1972 : Le trente-troisième président des États-Unis d’Amérique d’avril 1945 à janvier 1953. Élu Vice-président lors de l’élection présidentielle de novembre 1944 en ticket avec le président sortant Franklin Delano Roosevelt, il lui succède à sa mort le 12 avril 1945, trois mois à peine après que celui-ci a débuté son quatrième mandat. Truman est réélu pour un second mandat en novembre 1948. Sa présidence est marquée par plusieurs évènements de très grande importance : bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki et fin de la Seconde Guerre mondiale, début de la guerre froide, naissance de l’ONU, guerre de Corée.)) , a permis l’émergence de la prétention de fournir à la théorie de la modernisation des prétextes scientifiques. Chaque Etat-Nation sous développé pouvait atteindre le graal du développement à partir de « politiques étatiques favorables ». Certains pays sont ainsi passés des cultures vivrières traditionnelles à la « modernisation » et à l’industrialisation avec l’appui d’investissements étrangers (plans d’ajustement structurel du FMI). Des peuples qui vivaient chichement mais mangeaient tous les jours ont connu des disettes ; de plan café en Côte d’Ivoire en plan arachide au Sénégal, les bidonvilles ont explosé autour de Dakar ou Abidjan. Les terres raflées à leurs occupants traditionnels se sont mises à produire les biens choisis par une division internationale du travail d’essence quasi divine et décidée n’importe où sauf dans ces pays eux-mêmes ; leur sort monétaire se décidant aujourd’hui à la Bourse de Chicago.
o Le léninisme : s’est basé dans ce domaine sur le droit des peuples à l’autodétermination dans diverses parties du monde. En Asie, il s’est appuyé sur des « dynamiques révolutionnaires » consécutivement à l’échec cuisant des révolutions en Europe et, singulièrement, en Allemagne :
o En décembre 1918, la ligue spartakiste crée avec d’autres groupes moins importants le Parti communiste d’Allemagne (KPD). En janvier 1919, le KPD, associé aux socialistes indépendants, organise des manifestations de rue massives contre le gouvernement de Weimar, emmené par les centristes du SPD et dirigé par le chancelier Friedrich Ebert. Le gouvernement accuse l’opposition de planifier une grève générale et une révolution communiste à Berlin. Le « soulèvement » est rapidement écrasé par le gouvernement, avec l’aide des corps francs qui combattent aux côtés des forces régulières. Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés alors qu’ils sont retenus prisonniers.
o Dans la version léniniste les « politiques étatiques favorables » du Wilsonisme seront remplacées par les « politiques adéquates » ! Pour les pays sous développés ex-coloniaux, ou semi coloniaux, la voie était toute tracée :
§ Prise du pouvoir politique par une révolution anti-impérialiste et anticolonialiste à mise en place d’une direction politique dite « prolétarienne » à industrialisation. Le motif tout trouvé est le suivant : l’industrialisation était infaisable sous la domination précédente des oligarchies et bourgeoisies nationales. C’est pourtant exactement ce que faisait le wilsonisme…. Le résultat final sera à peu près identique. Les mouvements de libération, anti-systémiques dans leur genèse, sont devenus des réseaux d‘élites capitalistes d’Etat et/ou des bourgeoisies bureaucratiques vassales de l’empire soviétique. Leurs membres ont conquis ainsi leur place dans les nouvelles élites transnationales (économiques, politiques et techniques – voir Fotopoulos ((Takis Fotopoulos né en 1940 (1940-10-14) est un philosophe politique et économiste qui a fondé le mouvement de la démocratie inclusive. Universitaire, il a écrit de nombreux livres et plus de 800 articles ont été publiés dans diverses langues. Il est rédacteur de la Revue internationale de la démocratie participative (qui a succédé Democracy & Nature) et auteur de Vers une démocratie participative dans laquelle les fondements de la démocratie inclusive ont été fixés. Fotopoulos est grec et vit à Londres.)) , p.58)
o Le léninisme avait ainsi reproduit à son profit le développement en tant que processus national.
Ce faisant, le wilsonisme comme le léninisme ont masqué les dominations et les exploitations à l’échelle mondiale parce que tous deux prenaient comme unité de mesure l’Etat-Nation.
La période qui s’est ouverte avec la fin de la guerre froide est plus favorable à une autre explication, bien plus proche de la réalité. Développement et sous développement sont l’avers et le revers de la même médaille. Le développement du bloc Euro-américain du Nord n’est possible que par le sous développement des autres. Ce développement a pour corollaire obligé la domination et l’exploitation. Il n’est en fait que l’achèvement d’un cycle.
o Le cycle capitaliste :
Il trouve son origine dans l’expansion coloniale européenne dès la fin du XVème siècle. C’est l’exploitation des régions périphériques qui permet au centre de se développer. L’accumulation est le but premier.
L’exploitation du travail, l’esclavagisme et les systèmes semi-féodaux ne sont ni des inventions locales ni la continuation de traditions ancestrales de ces pays, ni des perversions locales ! C’est bien le système capitaliste qui les invente et les implante.
Progrès et développementalisme ayant montré leurs échecs, il faut donc trouver une autre voie de sortie du capitalisme que ces solutions développementalistes de droite et de gauche.
C’est la conscience de cet échec qui a amené très tôt à la voie de la sociale-démocratie. Comme tentative d’éviter l’échec tout en conservant l’idéologie développementaliste. De ce point de vue, je trouve que le début du livre de Fotopoulos (une histoire politico-économique) s’encastre très bien avec la perspective de Wallerstein (une histoire idéologique : l’idée étant le Libéralisme économique et ses variantes).
Il y décrit le lien entre Etat-Nation, démocratie représentative et économie de marché. C’est là que le travail de Polanyi ((Karl Polanyi (1886 – 1964) est un historien de l’économie d’origine hongroise. Socialiste influencé par le marxisme, il est connu pour son plus grand ouvrage La Grande transformation.)) est utile pour montrer l’encastrement de la société dans l’économie de marché. La voie altermondialiste vient autant de l’échec du capitalisme que de l’échec des autres solutions : révolutionnaire par l’étatisme bureaucratique / réformiste par la sociale-démocratie keynésienne : régulation et redistribution.
II – La voie altermondialiste :
o 21- La voie altermondialiste, pourquoi ?
Si les voies placées sous l’égide de frontières politico-juridiques et des Etats-Nation sont une impasse, la voie nouvelle ne peut être qu’altermondialiste. De ce point de vue, les analyses de Fernand Braudel ((Fernand Braudel est l’un des plus connus des représentants de l’École des Annales qui étudie entre autres les civilisations et les mouvements de longue durée en opposition à l’histoire événementielle. Il est considéré comme l’un des plus grands historiens du XXe siècle.)) sur la longue durée ((En 1949, dans sa thèse intitulée : La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Fernand Braudel introduit un concept permettant une approche nouvelle des faits historiques : la longue durée.)) sont instructives et importantes.
Si on se place dans cette perspective de la longue durée, les « révolutions socialistes » du XXème siècle apparaissent comme condamnées à l’avance. Amenées qu’elles sont à s’isoler du système mondial pour tenter de mettre en place « le socialisme » en autarcie.
Ceci conduit, au sein de la division internationale du travail préexistante, à faire passer l’Union soviétique de la demi-périphérie au centre et à reléguer les autres « pays socialistes » à la périphérie. Quelques pays atypiques comme la Tchécoslovaquie, par exemple, disposant d’une ancienne tradition de développement se maintiennent alors à la semi-périphérie.
L’une des conséquences les plus visibles de ces choix, c’est la position de Cuba. Ce pays renonce à exporter son sucre vers les Etats-Unis pour l’exporter vers l’Union Soviétique.
Mais ce choix emporte cette autre conséquence que Cuba paie encore aujourd’hui : ce choix bloquera pour des décennies toute diversification sérieuse de l’économie cubaine.
Il ne faut certes pas sous-estimer les apports des « révolutions socialistes » dans les domaines de la santé, de l’éducation ou du logement. Elles ont toutefois révélé leur impuissance à modifier et l’exploitation capitaliste et la division internationale du travail.
Le productivisme du camp dit « socialiste » doit donc bien, sous cet angle, être intégré dans la logique de reproduction du capitalisme.
Il a fallu quelques chocs pour remettre en cause le chemin développementaliste ou productiviste :
- les actions, à l’échelle mondiale, de 1968 que nous voyons trop souvent à l’aune franco-française,
- la chute du Mur de Berlin,
- durant cette période, l’altermondialisme s’est défini comme un drôle d’internationalisme qui va du local au mondial. Cette dimension mondiale non seulement est historiquement aujourd’hui réalisée mais elle est même idéologiquement désirable. Il n’est pas question de défendre des illusions autarciques.
Le système étant mondial, il ressort donc que nos mouvements ne peuvent se contenter d’être « antimondialisation » ou « antimondialistes » ou « anticapitalistes » : ILS DOIVENT ÊTRE ALTERMONDIALISTES.
o 22 – Une phase terminale du Capitalisme ?
Nous savons que le système capitaliste fonctionne selon un mode cyclique. Il connaît des phases de croissance ou d’expansion et des phases de crise ou de contraction.
Durant ces phases, certaines économies se rapprochent ou atteignent le centre et d’autres sont reléguées à la périphérie. Le système pyramidal mondial du capitalisme se reproduit de la sorte avec toutefois une constante dans la répartition : un petit nombre de pays au centre, un petit groupe intermédiaire et une immense majorité de pays relégués à la périphérie. C’est ce qui explique cette autre constante : selon les chiffres de l’ONU, 20% de la population mondiale se partagent 80 % des richesses et les 80% qui restent n’accèdent qu’à 20% desdites richesses.
Ce système, du point de vue des inégalités, est donc, selon Immanuel Wallerstein ((Immanuel Wallerstein, sociologue américain. Est un des signataires du manifeste de Porto Alegre du Forum social mondial – in : Unthinking social science (Cambridge Policy Press 1991) et Utopistics : Or, Historical Choices of the Twenty-first Century (New York The New Presse 1998).)) , le pire de tous si on y ajoute : la destruction des instruments de subsistance, la destruction de l’environnement et la violence produite par les technologies de guerre.
En effet, les guerres sont l’un des moyens de résoudre les crises cycliques. Historiquement, elles ont aussi pu être résolues :
- par la conquête de territoires nouveaux,
- en intégrant de nouvelles populations dans le salariat,
- en intensifiant la marchandisation de la force de travail,
- en abaissant les barrières douanières entre Etats-nations,
- en intégrant la nature dans le processus d’accumulation, donc en l’épuisant,
- en externalisant les coûts pour masquer les résultats économiques réels.
§ Ainsi, actuellement, en externalisant les coûts de certaines guerres, on masque la réalité des budgets militaires mais cela se retrouve, in fine, dans la dette structurelle des Etats.
Il apparaît, dès lors, si on se place dans « la longue durée » ou dans ce que Wallerstein nomme les « tendances séculaires » que, si ces divers mécanismes résolvent les crises à court terme, ils les approfondissent à long terme.
Ainsi sommes-nous vraisemblablement arrivés, cinq siècles après les prémices du système mondial, à un moment de transition qui annonce la fin d’un système et le début d’un autre….ou d’autres.
Dans son texte « Les trois pieds politiques de l’Objection de Croissance », mon ami Michel Lepesant a proposé l’hypothèse que le capitalisme passerait d’une phase néo-libérale (1979-2009) à une nouvelle phase (celle du capitalisme vert). La précédente phase étant la phase sociale-démocrate (1929-1979). Je suis assez d’accord avec lui, même s’il est difficile – et ce n’est pas mon propos ni le sien – de jouer les prophètes en Histoire. Nous voyons bien, aujourd’hui, naître ce capitalisme « vert »…On nous vend du « vert » à tous les étages de l’hyper-marché mondialisé !
Si on accepte l’idée que les systèmes ont un commencement, une longue période de reproduction plus ou moins chaotique et une fin, n’en sommes-nous pas là ?
Au plan théorique, ce qui permettrait de l’affirmer plus clairement, ce serait, par exemple, qu’une crise cyclique parvienne à son asymptote ((Le terme « asymptote » est utilisé en mathématiques pour les propriétés éventuelles d’une branche infinie de courbe à accroissement tendant vers l’infinitésimal.)) à un moment où la crise en cours n’est pas encore résolue et où la crise (ou les crises) systémique (s) à long terme s’approfondit (ssent).
Ce cas de figure offre beaucoup de similitudes avec la période actuelle.
En effet, la crise de la mondialisation et de la globalisation financière qui l’accompagne, née du détonateur « subprime », n’est pas réglée car : à le comportement spéculatif des institutions financières se poursuit àla crise précédente épongée par les Etats les a lourdement endettés àles Institutions financières se croient toujours « couvertes » et intouchables à rien ne dit que les Etats auraient les « moyens d’une nouvelle crise » àla crise sociale s’accentue sous l’effet du chômage à la crise écologique vient s’y ajouter à au total :
QUI PAYE ?
Si nous reprenons les méthodes classiques de résolution des crises :
- Il n’y a plus de nouveaux territoires à conquérir,
- le salariat est déjà très étendu,
- le prix de la force de travail ne peut que croître dans les pays qui sont passés ou en voie de passer de la demi-périphérie vers le centre. Dans une certaine explication de marxistes approximatifs, on frôle souvent la confusion entre prolétariat et lumpenprolétariat ((Lumpenprolétariat – littéralement « prolétariat en haillons ». Ce sous-prolétariat est un terme utilisé dans l’analyse marxiste. Il désigne une population située socialement sous le prolétariat du point de vue des conditions de travail et de vie, composée d’éléments déclassés, misérables et non organisés du prolétariat urbain.)) …C’est qu’il faut bien en remettre une couche pour démontrer l’exploitation. Or, l’histoire réelle du capitalisme, ce n’est pas cela ou, en tout cas, pas seulement ! Le capitalisme a longtemps utilisé comme force de travail des travailleurs semi-ruraux et semi-prolétarisés. Ils disposaient d’un peu de terrain, d’animaux et la reconstitution de leur force de travail ne dépendait pas que du seul marché. Elle se reconstituait aussi par un travail non marchand gratuit. Ils cultivaient un jardin et/ou exploitaient le travail des femmes dans le cadre de relations patriarcales. Cela permettait de rémunérer la force de travail en-dessous de son coût de reproduction.
QU’EN EST- IL AUJOURD’HUI ?
§ S’il est vrai que le pouvoir de négociation de la force de travail régresse dans certains pays, il augmente au plan planétaire. De sorte que, globalement, les coûts salariaux augmentent et les profits du capital investi dans l’économie réelle diminuent.
§ C’est, en partie, avec la bêtise humaine, ce qui explique que des modes de gestion totalement rejetés (jusqu’au suicide au travail) se maintiennent malgré les condamnations presque unanimes.
§ C’est aussi ce qui explique que les institutions financières continuent leur jeu de bonneteau car seule l’économie virtuelle (la spéculation) permet de d’offrir les taux de profit exigés des actionnaires ou des gestionnaires de hedges funds et autres fonds souverains.
§ Thomas Coutrot ((Thomas Coutrot est économiste et statisticien français. Chef du département « conditions de travail et santé » à la DARES au Ministère du Travail et de l’Emploi, il est également un des animateurs du Réseau d’alerte sur les inégalités. Militant altermondialiste, il est co-président de l’association Attac depuis décembre 2009 et membre de son conseil scientifique. Il participe en outre à la Fondation Copernic.)) montre bien qu’il y a une contradiction interne forte qui vient du fait que les mêmes travailleurs (dont il faut réduire les effectifs et les coûts salariaux réels – salaire brut + charges patronales) sont en même temps les consommateurs (dont il faut accroître le nombre et le « pouvoir d’achat »). D’où une crise du crédit. Ce hiatus entre travailleur et consommateur (l’équation miracle du fordisme) a été bien dénoncé par Hannah Arendt ((Hannah Arendt, (1906 – 1975) : philosophe allemande naturalisée américaine, connue pour ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme et la modernité. Elle ne se reconnaiisait comme « philosophe ». Son refus de la philosophie est notamment inclus dans Condition de l’homme moderne. Elle y considère que « la majeure partie de la philosophie politique depuis Platon s’interpréterait aisément comme une série d’essais en vue de découvrir les fondements théoriques et les moyens pratiques d’une évasion définitive de la politique. » Ses livres les plus célèbres sont Les Origines du totalitarisme (1951), Condition de l’homme moderne (1958) et La Crise de la culture (1961).)) : la société de consommation est une société de travailleurs dans laquelle il n’y a plus que de moins en moins de travail : « on ne peut rien imaginer de pire ».
§ Il est devenu commun d’entendre dire : « Mais ils n’ont donc rien appris ?? »….ET S’ILS AVAIENT APPRIS MAIS NE POUVAIENT FAIRE AUTREMENT ?????
§ On peut objecter que les salaires demeurent plus bas dans les pays de la périphérie, certes ! Mais ils sont devenus bien supérieurs à ce qu’ils étaient dans le passé empêchant de la sorte le capital de procéder à une accumulation suffisante pour faire face avec efficacité au coût de ses crises cycliques.
§ Cela explique aussi les comportements nouveaux de type « prédateur » lorsque le capital en arrive au vol pur et simple – pour exemple – la politique de Bush pour financer de gros contrats en Irak. Avec Bush, la crise fiscale des Etats-Unis arrivait à un point culminant…restait donc le vol !!
– Une crise de même ampleur se constate aussi dans le domaine de l’externalisation des coûts.
§ Dans le passé, le capital a externalisé de nombreux coûts vers l’Etat :
- les coûts de l’énergie,
- les coûts d’usage des ressources naturelles,
- les coûts des infrastructures,
- les coûts de la sécurité.
§ Aujourd’hui, cette pratique d’externalisation se heurte à deux obstacles majeurs :
- la rareté des biens naturels
- la crise fiscale des Etats
§ La résultante finale en est une pesée sur les profits.
– L’intégration de la nature dans le processus d’accumulation se heurte chaque jour davantage à la sensibilité « écologique » d’une partie croissante de l’humanité. Le capitalisme se heurte là à une impossibilité. Il doit donc composer. S’il ne le faisait pas, il s’exposerait à un rejet global de la société civile et ce rejet a d’ailleurs commencé.
§ C’est ce qui explique l’émergence d’un nouveau « capitalisme vert » qui va de Hulot en France à Al Gore aux Etats-Unis. Il ne s’agit pas tant de faire face au défi écologique planétaire que de vendre du vert, de laver plus vert que vert et faire repousser l’herbe derrière la bagnole (une Renault d’ailleurs) !! Attila à l’envers, il fallait oser ! C’est là qu’il faut se demander ce qu’il y a dans l’écologie qui la rend ainsi, et si facilement, compatible avec le capitalisme.
§ Cette tendance trouve ses soutiens politiques tant dans la frange la plus éclairée (ou la moins obtuse) du capitalisme que dans les partis politiques de la droite classique à la gauche institutionnelle.
§ Le pire (pour eux), c’est que ça commence à se voir !! Le citoyen continue de respecter ce qui est proche de lui, ce qu’il connaît bien, et plus c’est loin, donc haut et complice, plus il déteste !! Un sondage TNS SOFRES de décembre 2009 vaut son pesant de cacahuètes à cet égard – Les résultats sont en annexe I.
Reste, enfin, une crise nouvelle. Celle de la culture libérale elle-même. Elle concerne les idées de progrès et de développement développées précédemment. Il est aujourd’hui devenu impossible d’escompter un futur meilleur au sein du système. Ce constat conduit à la naissance de mouvements qui le remettent radicalement en cause depuis les fondamentalismes religieux jusqu’aux mouvements radicaux anti système. Ils sont révélateurs d’un manque de foi dans ce système, dans son idéologie de progrès et dans sa capacité à répondre à la question sociale.
La crise de la Raison (foi dans le progrès, assurance que les lendemains chanteront) peut, par mouvement oscillatoire brusque, pousser à un retour de l’irrationnel : retour à la secte religieuse, au groupuscule affinitaire politique, en passant par les techniques corporelles comme mentales de bien-être.
III – Quelle(s) voie(s) vers l’Utopie ?
Je le répète : je crois que l’utopie EST la voie. Faire de l’Utopie un but (ou même un horizon), ce n’est pas être allé jusqu’au bout de l’infidélité au mythe du développement téléologique.
Si, comme nous le pensons, le système mondial a atteint un point de non retour, notre monde se trouve à la croisée des chemins. Ce que Wallerstein nomme « une bifurcation ». Notre unique certitude c’est la fin du système actuel et la transition vers un autre ou vers d’autres. Nous n’avons, en revanche, aucune garantie que la transition s’opère vers un monde meilleur que celui que nous connaissons.
– Cela dépend de la situation, donc de nous :
§ Si les mouvements anti systémiques sont suffisamment puissants et organisés, la transition peut donner naissance à un système plus égalitaire, plus juste, bref, un système meilleur.
§ Si ces forces sont mises en échec, les forces du capitalisme transnational de ce siècle peuvent développer un système plus oppressif pour conserver leurs privilèges. L’Histoire nous enseigne que les classes dominantes ne renoncent pas à leurs privilèges sans se battre ! La mort du capitalisme de « sa belle mort » est une foutaise !
§ A l’origine de l’accumulation, la féodalité et l’aristocratie féodale du XVème siècle ont déjà choisi cette option !
§ Par ailleurs, la naissance de pouvoir « pré-autoritaires est déjà annoncée : Sarkozy en France, Berlusconi en Italie, Poutine ou Medvedev en Russie, les renaissances de type « contra » en Amérique centrale, Lee Myung-bak, l’homme de Hyundai, et le Grand Parti national en Corée, les régimes autoritaires de l’Asie du Sud-est, nous n’en finirions pas d’égrener cette sinistre liste qui montre que, si les anti système « pinaillent » et s’étripent au nom de leurs ego ou de leurs intérêts boutiquiers, les larvaires et fidèles bedeaux du système, de leur côté, préparent une transition vers un pire et non un meilleur.
Il est donc urgent de reconsidérer nos utopies, de nous organiser efficacement et d’inventer de nouveaux mondes alternatifs.
La question est vraiment à l’ordre du jour ! Pourquoi ?
– 31 – Les phases de reproduction : Durant ces phases, malgré les crises cycliques, les systèmes historiques évoluent dans une relative stabilité. Ceux qui combattent le système peuvent obtenir des droits nouveaux, améliorer certaines des conditions de la reproduction de la force de travail. Toute l’Histoire du Mouvement Ouvrier le montre, nous n’allons pas la refaire ici.
§ Mais, la seule chose que ne peuvent pas obtenir les « anti système », c’est la destruction du système lui-même. Tout juste peuvent-ils espérer obtenir une inflexion de ses mécanismes de reproduction à long terme.
– 32 – L’opportunité de la transformation : Durant une phase terminale – à ne pas confondre avec une mort – d’un système historique, au moment où les crises se télescopent, en ce moment de faiblesse structurelle, une porte s’ouvre pour la Transformation. A ce moment, l’action de groupes de pensée, de créateurs d’alternatives, le libre-arbitre de citoyens et de groupes de tous ordres peuvent avoir un impact et faire pencher la balance.
§ Le mot d’ordre doit être, alors : IL N’EST PAS DE PETIT COMBAT ET TOUT EST AFFAIRE DE CONVERGENCE locale, régionale, nationale et internationale et avec les « damnés de la Terre ».
Dans cette optique, deux terrains de lutte se dégagent comme prioritaires : le terrain supranational et le terrain local.
§ Le terrain local est, en effet, le terrain où nous pouvons construire « la masse critique » qui résulte de la convergence des luttes sociales, politiques et économiques (les contre-pouvoirs et les anti-pouvoirs) et des expérimentations concrètes, les uto-pistes : habiter, produire, se déplacer, manger autrement…
§ Le terrain supranational parce que le système est mondial et que c’est à ce niveau qu’il faut le combattre,
§ Le terrain local parce que c’est à ce niveau qu’il est possible de mettre en place concrètement des formes alternatives et « décentrer » l’Etat.
§ Dès lors, la conquête du pouvoir d’Etat n’est plus un enjeu central même si la participation aux luttes électorales n’est pas un interdit. Mais si la prise du pouvoir éventuelle dans un Etat-nation aboutit à une nouvelle politique développementaliste et à un nouveau « socialisme dans un seul pays »…A quoi bon ? La prise du pouvoir n’est pas un préalable : c’est ce que disent Wallerstein, Holloway, Fotopoulos… Michel Lepesant pourquoi ne pas l’inclure avec ces « autorités reconnues ». L’inclure, c’est aussi reconnaître que nous avons tous « un droit à la pensée » le reste n’étant QUE médiatisation !
§ Puisque le système est mondial, c’est au plan mondial qu’il faut envisager un système historique alternatif.
§ La nouvelle utopie doit donc viser à l’instauration de nouvelles formes socialisées, démocratiques et collectives de la garantie, de la gestion et de la reproduction de la vie à l’échelle planétaire.
– 33 – Quel système alternatif ? Il serait incongru d’en proposer un ici « clés en main » et, de plus, en contradiction avec nos conceptions du travail collectif ! Ce (ces) système(s) ne peut (peuvent) émerger que du débat au sein de la convergence (démocratie radicale de Chantal Mouffe ((Chantal Mouffe née en 1943 à Charleroi, Belgique, est une théoricienne de la politique belge. Elle est titulaire d’une chaire de professeur à l’Université de Westminster au Royaume-Uni. Elle est surtout connue en tant que co-auteur de L’hégémonie et la stratégie socialiste avec Ernesto Laclau. Leurs pensées sont généralement admises comme postmarxistes. Comme ils étaient à la fois politiquement actifs dans le domaines social et les mouvements étudiants des années 1960, y compris la classe ouvrière et les nouveaux mouvements sociaux, ils ont rejeté le déterminisme économique marxiste et la notion de lutte des classes comme étant l’antagonisme essentiel et unique dans la société. Au lieu de cela, ils exhortent à la démocratie radicale du pluralisme agonistique où tous les antagonismes peuvent être exprimés.)) ).Mais cela n’interdit pas d’en tracer quelques pistes :
§ Un monde sans Empire et sans souveraineté, il va quand même falloir justifier une souveraineté alimentaire par exemple et surtout des droits souverains sur les biens premiers : et en valider la gratuité du bon usage.
§ Des régulations légitimes, c’est-à-dire mondialement acceptées, sans retour à l’école de la régulation et au mythe d’une bonne gouvernance mondiale (voir l’échec de Copenhague – dont le succès aurait été pire encore) : piste vers une méta-régulation par la démocratie générale de Fotopoulos.
§ Une économie à finalité humaine, d’une façon générale on a besoin d’un « nouveau réalisme » qui ne se définisse pas par le cynisme que le réalisme consiste à choisir le moindre mal ; être réaliste, c’est re-viser un bien de l’Humanité : humaniste, je le reste.
§ Remplacement de l’accumulation capitaliste sans fin et de la maximisation du profit par :
- la maximisation de la qualité de la vie,
- l’accumulation de droits par l’extension à toute l’Humanité : de la liberté, de la démocratie, de l’égalité, des droits individuels, civils et sociaux.
o Mais cette idée d’extension peut tomber sur une critique d’eurocentrisme ou d’occidentalisme, c’est pourquoi la porte doit rester ouverte à la diversité du monde. (voir infra)
- l’abolition de l’exploitation de la force de travail, de la domination raciste, sexiste et de classe par l’extension de la décision démocratique que nous appelons, en France et ailleurs, l’autogestion. Autogestion = révolution lente = stratégie de l’escargot.
- la limitation des formes et moyens de violence collective,
- l’accumulation des choix possibles pour chaque individu par l’instauration d’un revenu d’existence. On peut dire aussi « Dotation » pour éviter de définir en termes seulement sonnants et trébuchants : monnaies complémentaires, gratuité, socialisation des biens et services de base…
- l’accumulation de la gratuité dans les services publics et sociaux,
- la limitation/préservation des ressources de la biosphère par l’instauration d’un contrat de transmission générationnel,
- la limitation au strict nécessaire du prélèvement sur les ressources terrestres et souterraines, sobriété à retour à un niveau de développement économique compatible avec une empreinte écologique décente (grosso modo, les années 70, année de la « croissance zéro »). C’est pour cela que je crois que l’objection de croissance (arrêter la future croissance) est insuffisante et que je suis partisan de la décroissance économique (de la production, du pouvoir d’achat…) pour tous ceux qui en profitent au détriment de la majorité. Cette limitation économique ne doit-elle pas en passer par un Revenu Maximum Autorisé (autorisé par qui ?) Il faudra bien une « instance », une « institution ». Non seulement pour instituer mais aussi pour « collecter » et redistribuer (la question du partage, de la répartition, la question de la justice), il faudra un « collectif » qui donnera priorité à l’intérêt général (défini par qui, comment ?) sur les intérêts particuliers.
- modification radicale des relations de pouvoir au travail en remplaçant les incitations purement matérielles par une combinaison d’incitations morales et matérielles.
o Par la réduction du temps de travail au temps nécessaire à une économie humaine et sociale, (non pas en heures mais en jours : voir Larrouturrou qui préconise deux jours ?), en incluant le temps de travail nécessaire à l’entretien quotidien de la vie (dit travail domestique).
o Par l’affirmation que l’efficience n’est pas une logique comptable ni de profit, le pouvoir sur nos vies plutôt que le pouvoir d’achat (qui n’est que l’impuissance et la servitude volontaire de se vendre soi-même).
o Que l’efficience peut aussi naître de la satisfaction universelle de besoins fondamentaux, de l’accès au temps libre et de la reconnaissance morale et sociale. Au fil rouge de la justice sociale et au fil vert de la responsabilité écologique, ajouter un fil arc-en-ciel de la dignité, de la décence, de la reconnaissance (rejeter le mépris, l’humiliation).
o Par la création d’unités productives décentralisées et de petite taille qui favorisent la démocratie au sein de ces unités et la démocratie entre elles dans le but d’éviter que les personnels administratifs ou d’organisation ne se transforment en nouvelle classe dominante.
o Intégrer dans cette démocratie non seulement les producteurs mais aussi les consommateurs, mais aussi les habitants : la démocratie généralisée de Fotopoulos. Poser non seulement la question des modes de production mais aussi celle des produits.
- Se pose aussi la question du territoire sur lequel fonder la source de la légitimité (de la souveraineté) : difficile, très difficile question.
- Devrait aussi être posée la question de la propriété privée (et par voie de conséquence, celle de l’héritage : quel « bien privé » léguer à la génération suivante).
– 34 – De la diversité : Cet ensemble de suggestions plus que de propositions doivent aussi être passées au crible mondial. Ce n’est pas à nous de dire quel monde veut un Indien des Andes ou un Africain. En ce sens, certains mots d’ordre prennent tout leur sens. Ainsi en est-il du mot d’ordre zapatiste : « Un monde où d’autres mondes sont possibles » ou cet autre du Forum Social Mondial : « Pas un mais d’autres mondes sont possibles ». Nous devons prendre garde à ne pas créer de nouveaux déterminismes théoriques et laisser la place à l’égalité concrète par rapport à l’égalité abstraite parce que, même nous, militants altermondialistes occidentaux, sommes imprégnés d’imaginaire libéral. Nous ne devons pas créer ou croire en de nouveaux déterminismes. Nous devons refuser tout argument de la nécessité et de ses variantes. Car, si les changements sont nécessaires, pourquoi faire de la politique ? Je rejette toute priorité à toute nécessité, que ce soit celle de l’Histoire (pour les rouges) ou celle de la Nature (pour les verts).
§ Que veulent les « indigènes » ? Etre « intégrés » à notre monde au nom d’idéaux d’essence libérale ou ne veulent-ils pas que leur monde bénéficie d’un traitement d’égalité sans pour autant que leurs différences fussent gommées.
§ Décoloniser nos visions du monde : Nous devons laisser la place à l’universalité diverse « Pluriversité » dit Latouche mais le concept vient de Carl Schmidt. Ne pouvons-nous donc accepter, dans nos discussions, les cosmologies et cosmogonies non occidentales ? N’est-ce pas ce que nous demande Evo Morales lorsqu’il parle de la Terre-Mère ? Y compris en Europe, nos ancêtres nordiques ou celtes parlaient de la même chose. La prise en compte de ces aspirations et de ces apports ne nous conduirait-elle pas vers une organisation a-capitaliste trans-moderne au lieu d’un monde postmoderne euro centré ?
§ Penser avec comme point de départ les Damnés de la Terre. A travers les travaux d’intellectuels tels que Franz Fanon, Gloria Anzaldua ou Aimé Césaire émerge l’idée qu’ils aspirent à un monde de solidarité entre « égaux-divers » au sein d’un monde de multiples mondes.
Guy Dutron, Co-porte-parole du RESEDA, 7 Août 2010
Remerciements :
- A Michel Lepesant qui a contribué à enrichir ce texte
- A Hélène Lacheret pour sa relecture constructive
M. Dutron, étant donnée la convergence (sic) il aurait été honnête de citer cet article :
Ramón Grosfoguel « Quel(s) monde(s) après le capitalisme ? », Mouvements 3/2006 (no 45-46), p. 43-54.
URL : http://www.cairn.info/revue-mouvements-2006-3-page-43.htm.
Rien n’empêche d’en reprendre la construction et les idées, il suffit de le dire !