La maison et le fait d’habiter – Jacques Julien
Axe 1 : Gérer des besoins et des usages
La maison est une dialectique du désir et de la règle. Nous pouvons la regarder de deux façons complètement opposées
D’une part, elle sera créée au gré de nos besoins et de nos goûts, portant aussi notre griffe : meubles, rideaux, tapis. La maison exprime ainsi nos pulsions les plus intimes, nos goûts les plus profonds. Soustrait à toute autre sollicitation, nous nous y sentons vraiment nous mêmes.
D’autre part la maison est un espace construit, dont les matières, les couleurs, les formes, les lieux s’exposent à notre regard, à notre usage. Construite selon certains styles, certains codes et procédés immémoriaux, notre demeure est une allégeance aux usages et aux normes de la société, où le hasard nous a fait naître, puis exister. Nous sommes ses attributs, une fois que la tradition l’a élaborée et édifiée, la maison nous détermine à son tour et nous permet de retrouver et recréer ses propres cheminements. Demeurer , demeurer dans la maison, c’est entendre un discours, celui de notre culture, de notre société, les manières de mouvoir son corps dans l’espace habité : s’asseoir, dormir, manger, marcher, baiser.. qui sont en relation avec le code de la nudité, le code des repas, les règles de la politesse, les règles de l’hospitalité tous les symboles tacites reçus par la tradition.
Pour lever cette contradiction nous allons regarder de mieux près ce que signifie ce verbe, habiter. Pour cela, nous ferons référence à la conférence effectuée le 5 Août 1951 à Darmstadt, par Martin Heidegger. Dans ce papier célèbre intitulé Bâtir, habiter, penser, MH développe son analyse sur l’habiter. Habiter, c’est autre chose que disposer d’un logement , cela signifie se sentir à l’aise, se sentir chez soi, pénétrer un lieu. Une construction à usage d’habitation, ne garantit nullement qu’une telle habitation ait lieu. Si bâtir a l’habitation pour but, celle ci n’est nullement automatique. Personnellement j’étais présent comme enseignant à l’institut Charles V, un petit hôtel du Marais, j’y faisais mes cours notamment sur la maison … et j’ai ainsi habité ce bâtiment, alors que je n’ai jamais pu habiter cet appartement de la rue des Fossés St Jacques où je dormais, sans parler du campus de Jussieu où j’avais mon bureau ! Ainsi en premier point disons que « Habiter devrait être la fin présidant à toute construction ».
Avançons plus loin : cet énoncé n’est pas satisfaisant, en ce sens que, habiter et bâtir apparaissent dans cet énoncé comme deux activités séparées. Alors que bâtir est déjà de lui-même habiter, bâtir n’est pas seulement un moyen de l’habitation. Martin Heidegger a relevé qu’en vieil allemand, un même mot buan est utilisé pour désigner bâtir, habiter, demeurer, être et aussi prendre soin de. Cette relation d’intimité que l’on retrouvera dans le concept de convivialité chez Illich, signifie que la construction d’une maison n’est pas une simple fabrication mais la production d’une œuvre. C’est extraire une portion d’espace de l’étendue brute originelle, pour en faire un lieu – tout comme on élève un vin. Saisir dans son être la construction d’édifices implique que nous pensons que bâtir est habiter. Nous n’habitons pas parce que nous avons bâti, mais nous bâtissons pour autant que nous habitons, que nous habitons, ici bas, sur cette terre.
Dans une conférence postérieure, le 6 octobre 1951 à Buhlerhohe, MH précise le comment habiter avec ces vers extraits du poème Bleu de Hölderlin : Dichterisch, wohnt der Mensch auf dieser Erde « poétiquement, habite l’homme sur cette terre » . Le habiter vrai est là où sont les poètes. Ainsi va l’architecture en mettant au monde tektw , à partir d’un principe, d’une originearci : c’est par rapport à l’être même de l’homme, que le bâtir se déploie …sur l’ensemble de l’écoumène, la terre oikoumenh ( non entière ) que nous habitons.
Néanmoins toutes les habitations, habitées ou non habitées ne peuvent être mises sur le même plan, et nous pouvons opérer un classement entre elles. Un tel classement a été réalisé selon l’agencement des différents éléments par l’école française de géographie avec Albert Demangeon aboutissant à la maison du journalier, la maison bloc, la maiuson à cour ouverte et la maison à cour fermée. Sans contester la valeur d’un tel classement, avançons un autre type plus subjectif :
– maison idéale que l’on construit à longueur de vie, digne de l’image que l’on veut offrir à autrui
– maison onirique celle de nos rêves
– maison du monde, construite en série par d’ingénieux ingénieurs
– demeure vernaculaire résolution des problèmes du milieu naturel, association harmonieuse des matériaux de la région, fruit d’un empirisme savant en adéquation parfaite aux besoins précis d’une société donnée, fruit d’un consensus architectural
Notons en passant que la terminologie vernaculaire désigne l’inverse d’une marchandise
– demeure réellement habitée : unique, pensée, construite, transformée à partir du schéma de la précédente en infléchissant le message au gré de nos goûts et de notre fantaisie Lieu de nos désirs, de nos pensées, de nos actes, de notre repos. Elle ne signifie que pour nous
– demeure d’autrui : n’est pas l’anonyme maison vernaculaire. Y pénétrer revient toujours à suivre un itinéraire initiatique au sein d’une autre intimité La demeure d’autrui permet de le dédaigner ou de l’envier L’imagination d’habiter s’exalte de ce qui semble désirable chez autrui, pour jouir de son confort et de son luxe.
La maison archaïque idenditépoint de vue de l’habitant
Tout ce qu’enseigne la demeure natale reste ainsi en nous, comme un bouquet de sensations apprises, puis réapprises au contact d’autres maisons. les fondations de notre sensibilité. L’acte d’habiter a commencé dans cette convergence d’impressions vagues et confondues où naissait notre moi. Cette éducation sensible s’accomplit sous le signe de la » soumission « , cet abri originel nous a dicté ses goûts, bien davantage que plus tard les maisons d’adultes que nous choisirons selon nos goûts.
La maison nous protège d’abord en représentant le dedans suprême, ultime intérieur au-delà duquel il semble impossible de pénétrer plus avant. La protection réelle opérée sur l’organisme compte peu au regard du refuge symbolique. Elle accorde moins de bien être physique que la force de les supporter en elle. La leçon de la demeure est ici d’endurance, moins elle résiste, et plus elle nous apprend à résister. Il arrive même que tel degré de froidure ou d’humidité qu’on jugerait ailleurs parfaitement insupportable, devienne tolérable dans sa propre maison – et ici seulement – car il s’impose à nous, revêtu des oripeaux nostalgiques de l’enfance ou de l’habitude.
La maison est d’abord un dedans, le lieu de l’intimité, où l’on se trouve gardé de l’hostilité du dehors celle des intempéries, et celle des autres. La vision de la maison comme ensemble de remparts, se retrouve dans les fréquentes images de la maison onirique, tant la grotte profonde que la citadelle surélevée. Ajoutons que certaines zones sont mieux propices pour se laisser aller : dans notre lit, dans la baignoire où ayant déposé la symbolique armure du vêtement, nous goûtons la douceur des draps, de l’eau… ultime intérieur, où notre nudité est protégée par toute la masse de notre habitation. Petit calcul récréatif, calculez la masse de votre carapace, chez moi, j’ai trouvé 1000 tonnes.
La maison et le poids du passé
L’école du sacré. C’est surtout en nous enseignant la continuité familiale que la maison exprime son caractère sacré : l’autel des ancêtres en extrême Orient, les visages peints, les photographies. Confortablement installés dans leurs cadres, ces gens dont nous descendons, nous regardent exister ; ils sont devenus des témoins et des injonctions muettes. Temple du passé, notre intérieur l’est aussi par tout ce que les morts y ont laissé. Ces meubles et ces bibelots furent acquis par eux et nous disent leurs rêves, leurs goûts, leur fortune, leurs ambitions.. Cette simple présence nous émeut, car elle inscrit en tant que tel le passé dans la maison. Les naissances et les décès qui s’y succèdent (ou presque ), impose la continuité familiale et nous démontre que, c’est nous qui passons, dans sa durée propre, et non l’inverse, elle nous force à admettre le caractère éphémère de notre passage sous son toit.
L’espace La maison territoire
Ce besoin de se sentir chez soi se nomme la territorialité. D’une façon très particulière chez l’homme, la territorialité est engendrée, entretenue, confortée par notre maison. La maison, c’est la demeure, l’endroit où l’on s’attarde. La maîtrise du territoire suppose la mobilité du sujet : entrer, sortir, se mouvoir. Le repérage sur le territoire s’effectue à l’aide de sensations engendrées par nous mêmes, par ….notre « odeur » en somme. L’odeur, n’est-ce pas le premier caractère de tout lieu occupé par un être vivant ?. Ainsi ce soleil dans l’enclos des murs, cette pénombre où nous sentons tant de charme, de fraîcheur, de silence, où nous laissons aller notre moi épars, comme cette » paisible rumeur « , ces odeurs de textile, de bois, nous ne les sentons, pour les savourer ou les rejeter, qu’à travers le filtre de nos habitudes mentales. lectures, contemplation d’oeuvres d’art, conversations, … Tous ces signaux, nous les utilisons comme marqueurs du territoire. Même si ces signaux, si intimement perçus, ces échos que nous sentons si personnels, expriment un message collectif et les mêmes impératifs culturels que les autres enseignements de la maison.
L’altérité… nous
Nous avons vu la maison en tant qu’espace en dedans, dont la frontière est ce, où quelque chose. Nous allons maintenant l’envisager différemment en tant qu’espace dont la limite est ce, à partir de quoi, quelque chose commence à être, soi et autre chose que soi, le dehors vient dedans ; c’est le peraz .
C’est en référence à notre première demeure, par des sensations visuelles, olfactives, étrangères, que nous ferons l’expérience de l’appréhension d’autrui et celle de l’environnement naturel, sous la forme d’une différence entre le » normal » qui relève de la maison et ce qui vient du dehors, hostile ou tout du moins inconnu.
Ce contraste dehors dedans implique que la maison soit également une porte. Une porte doit être ouverte ou fermée. Fermer la porte à autrui c’est l’exclure, reprendre possession de son intimité, un moment troublée. Ouvrir sa porte c’est au contraire accueillir un être différent, dans cette intimité dévoilée, partiellement pour un temps. La maison est une aire de rencontre, une aire de rencontres voulues. Ile de solitude et de convivialité paisible selon les usages du groupe. Cette qualité d’interface entre deux mondes l’un tout à nous, l’autre partagé avec autrui, nous fait apparaître la maison comme un réseau de lieux différents et associés, selon une balance précise d’intégration et de ségrégation.
D’ailleurs, cette maison, le lieu où l’homme s’attache à demeurer n’est jamais isolée. Nous ne pouvons l’imaginer qu’en un site, qui sera lui même élément d’une région etc. C’est le pays tout entier qui est bâti par chaque collectivité. Même au niveau de l’environnement premier est souvent instauré un paysage humain au milieu des solitudes ; rêver sa maison, c’est aussi s’entourer d’un jardin.
La maison école de la vie quotidienne
La maison, ce ne sont pas seulement quatre murs en remparts, c’est un outil pour subsister, une machine à vivre concernant le manger, le dormir, le vêtir, avec des codes correspondants (code de la nudité, pratique spirituelle de l’eau, du feu, code de la propreté …). C’est néanmoins le seul endroit où, dès l’origine, se trouvât concentré un aussi grand nombre de commodités et d’enseignements, liés au savoir vivre.
La maison et les sociabilités
En fait l’appréhension d’autrui est plus complexe : en dehors de la famille étendue, nous avons la collectivité immédiate. Une habitation est toujours plus ou moins communautaire, unissant des familles distinctes et le fait de demeurer sous le même toit suscite inévitablement de fortes dépendances. Les familles demeurant distinctes, c’est l’espace construit qui favorise et entretient les liens, non la volonté préexistante de leurs occupants. C’est parce qu’on habite autour du même escalier, ou de la même cour, le même hameau… partageant le four, le puits, le lavoir, le cabinet d’aisance, qu’on crée, ou renforce une communauté de fait, que les usages viendront ensuite cimenter.
Enfin les codes de l’hospitalité ont contribué à déterminer des zones distinctes séparant un devant d’apparat, affecté à l’activité économique, à la réception des hôtes, et un arrière où se relâchent les codes formels et rassemblant les fonctions nourricières de la maison..
La maison Théâtre
La maison nous montre les convergences entre habiter habit, habitus, habitude ; c’est un véritable théâtre à deux niveaux celui de l’habitus et celui de l’habitude :
Un décor pour paraître. La maison nous enseigne à nous montrer, à nos yeux, et surtout à ceux d’autrui. Cette attitude semble répondre à un double souci : celui avoué d’honorer l’hôte, lui témoignant ainsi, que » ce qu’on a de mieux » est digne de lui, mais aussi moins ouvertement, le désir de l’étonner, voire de susciter son admiration, ou son envie en lui présentant des objets désirables et coûteux.
La maison est également la scène des rituels quotidiens. L’apprentissage de la vie quotidienne se déroule avec un certain style : une suite de rituels – du bain, du repas, du coucher, du réveil – qui règlent de façon précise, nos attitudes et nos comportements. La maison nous prescrit, par l’usage qu’on doit en faire, les règles du jeu de la vie quotidienne et s’en impose comme le seul théâtre, au sens le plus scénique de ce terme.Le rituel domestique constitue un principe d’ordre, chargé de contrôler la confusion, de l’enfermer de façon quasi permanente dans des normes spatio temporelles qui lui retirent ainsi son venin antisocial. Notons que cette prégnance n’est pas permanente des irruptions nécessaires de désordre ( querelles, retard à table, retard au lit.. ) comme fêtes et carnavals légitiment le code. Le rituel est aussi une gestuelle, un langage, où chacun garde la liberté d’utiliser son propre accent, de s’exprimer avec ses mimiques, ses attitudes, ses silences. Cette fonction du rituel ne concerne pas seulement les temps forts de la journée ( lever, repas, visites, coucher ) mais également les actes mineurs secondaires : allumer un feu, monter l’escalier, ouvrir et fermer telle porte, s’asseoir, servir…. Ces micro rituels sont aussi institutionnalisés que les autres, et l’ensemble fait de notre existence un processus ininterrompu au cours de la journée, et une quasi infinie répétition au fil des jours et des années. L’accomplissement des rituels permet un bien être de mieux, s’ajoutant à ce que nous appelons le confort domestique. Ces rituels ne sont pas des réflexes naturels comme nous serions tentés de le croire mais bien des habitudes modelées par l’usage.
La maison, dépositaire des savoir faire
Même si construire est généralement un défi lancé à la durée, cette demeure va vieillir. Autre défi à relever en permanence, un objet à faire et refaire, nécessitant des hommes, des outils, des gestes, des procédés que le simple fait d’habiter nous montre à l’oeuvre. Tout bâtiment, que ce soit à l’étape construction ou à l’étape restauration, exprime et garde les arts manuels et le savoir faire d’une société.
La maison vernaculaire est par essence une création collective, elle est souvent l’oeuvre de tous, même si les opérations se déroulent sous la direction d’un spécialiste. Aujourd’hui, l’évolution des procédés de construction, du statut des artisans, et des modèles de bâtiment, confère au spécialiste un rôle grandissant.
Quel que soient les nuances entre maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’oeuvre, l’homme ne renonce pas à participer à son aménagement, si tenace en nous, est le besoin de sécréter notre demeure. Un abri édifié avec des matériaux de rebut, nous montre l’ingéniosité humaine Tout occupant résiste mal à cette pulsion bâtisseuse et l’instinct du bricolage s’affirme avec force.
Citons l’anecdote des habitations construites en 1926 à Pessac, par Le Corbusier ; 40 ans plus tard, sans qu’aucune des maisons ait été démolie, à l’imagecubiste fonctionnaliste du Corbusier, les habitants ont ajouté leur propre image. Le Corbusier déclara lui même » Vous savez, c’est toujours la vie qui a raison, l’architecte qui a tort « . Il est vrai que quel que soit le bâtiment, et son passé, c’ets aux yeux du nouvel occupant, une coquille vide et passive, une possibilité de maison, qui reste à construire.
Nous retrouvons ici l’habiter, un Bâtir, restaurer, qui est autre chose que le strict moyen de l’habitation. La manière dont nous sommes sur terre, c’est l’habitation
La maison mondiale
Si dans la construction traditionnelle, les artisans copiaient inlassablement, c’était dans un esprit de recréation partielle, ajoutant leur patte à la forme convenue, c’est la grâce du travail manuel. La prescription d’un espace à vivre idéal, hygiénique, moral, esthétique, va se renforcer durant les 19 & 20 siècles et s’engluer dans les pièges de la raison mathématique. L’élaboration de modèles, de types, ouvre la porte à la série. A la volonté collective, hors du temps, qui présidait à l’architecture traditionnelle se substitue la pensée de tel concepteur fondée sur ses exigences propres et sur le prix de l’objet construit. Citons le constructeur Hassan Fathy » Dans la maison de mon père, chaque marche d’escalier avait un sens ; aujourd’hui, chaque marche vaut un dollar « .
L’écrasement du charnel, du senti, du vécu, du symbolique, au nom d’une raison bâtisseuse, universellement valable, n’est pas sans conséquence sur le didactisme de la maison. Il la vide de son contenu civilisateur en fragmentant le tissu de notre existence en une succession d’actes nus : manger, dormir, lire, travailler… s’exerçant dans un espace aseptisé, dévitalisé, et déritualisé. De plus, il ôte à notre habitat, et à notre quotidien qui s’y déploie, cette diversité, cette personnalité des climats, des usages, des tempéraments, des cultures qui imprégnaient les anciennes maisons et que celles-ci nous restituaient pour peu qu’on les habitât vraiment. Si la maison est une machine à habiter, si le but de l’architecture est de concevoir et construire des logements-outils à vendre et à louer, que nous reste-t-il à décider de notre espace à vivre ? L’action profonde, continue et diverse qu’exercent sur l’homme habitant sa demeure, ces valeurs civilisatrices, ces règles de vie collective nous sont transmises par le jeu de la vie quotidienne. Ce sont les rituels où elle nous engage la vie durant,qui nous enracinent dans une culture et une société données, et nous en font respecter les principes, parfois à notre insu. Ces rituels ne peuvent se dérouler que dans le cadre élu de maisons dont les formes soient en interaction avec eux. En effet le rituel définit le lieu ( cad la maison ) où peut se vivre une solidarité organique, faite de dons et de contreparties, et où la totalité du quotidien peut être » fixée » à chaque instant. En fondant ce territoire, le rituel institue une communauté où chacun se trouve inséré avec force dans une structure conditionnant sa vie d’individu.
Conclusion
Bien loin d’être une fuite, la maison est un arrêt, la quête d’un port aux eaux calmes ; bien loin d’être une mise à l’écart de nos semblables, il ne nous en éloigne que de la distance nécessaire à notre repos
Toute collectivité élabore au fil de son histoire, un certain nombre de recettes pour se nourrir, se vêtir, se loger, se transporter, en utilisant de façon spécifique les données du milieu. Ces procédés, sont intégrés en systèmes cohérents, reposant sur un certain savoir faire, des valeurs morales, et une conception du rapport unissant l’homme à la nature. Ajoutons que cet empirisme technologique dont chaque maison vernaculaire est la première dépositaire, relève d’une accumulation séculaire, au fil des générations, et non pas d’un système clos de recettes et de prescriptions. C’est un savoir faire pouvant présenter des aspects irrationnels par rapport à une certaine logique du construire, par suite du poids des usages et des interdits..
la patrimonialisation , c’est l’appropriation par les gens du pays de leur territoire
Durant toute notre vie, nous construisons, nous bâtissons notre maison. Cette maison sera une synthèse entre le je et le nous et l’histoire du je et du nous. Construire sa maison, c’est faire un lieu élu, gardien de nos surmoi (nos dieux … ), de nos craintes, de nos amours, c’est habiter, bâtir, bâtir son bien être, pour être mieux fort, atteindre au confort et ceci en quatre paliers :
Entendons par là :
– le bien être physique, où rappelons le, la protection du froid ou du chaud, ne figure que marginalement. Je voudrais raconter une histoire : A travaille dehors en hiver et rentre dans une pièce à 10 degrés et y trouve une sensation de chaleur B travaille dans un bureau « climatisé », et pénétrant dans la même pièce, elle se gèle. Cette expérience peut être faite avec le degré d’humidité passer de 90 à 50 et de 10 à 50, voire une conjugaison des deux facteurs. Le résultat sera identique le bien être physique est plus complexe qu’une simple commande à partir de la température et de l’humidité. Simplement, il s’agit de bâtir un milieu viable.
– le bien être donné par le jeu et l’harmonie des sensations lumineuses, colorées, olfactives, tactiles, auditives voire gustatives. C’est le confort des sensations à la fois sensuel et esthétique.
– la disponibilité de circulation, impliquant une hierachie intérieure de la maison avec une aire intime de vie privée permettant d’être seul, et une aire de réception, de partage avec ceux dont la présence signifira joie ou nécessité. Conjugaison de l’isolement et de la socialité, c’est le confort de l’intimité et de la convivialité. en opposition avec les deux situations extrêmes : tout le monde est entassé dans une même pièce – chacun est enfermé dans sa chambre
– le « confort de la conformité », celui qui nous situe, qui nous cale sur la trame des coordonnées mentales définies par notre culture. C’est notamment le rituel domestique, (cad une certaine adhésion aux normes de la collectivité identitaire(tels façon de manger, de dormir, de se laver, modèles d’ouverture porte rideau…), permettant d’apaiser nos angoisses, d’atteindre un bien être spirituel, et surtout évite une réflexion permanente.
Terre ramenée à sa dimension physique, en deçà même du vivant : la dimension de la machine, l’espace humain, celui de notre existence, est autre chose que l’étendue cartésienne ou que l’espace absolu de Newton, ontologie de l’habiter qui a subverti les dogmes fonctionnalistes du mouvement moderne en architecture. L’écoumène : oikoumenê Gê, la Terre en tant que demeure humaine.
Jacques Julien
Commentaires récents