Pour un front antimonétaire : application à l’habitat – Jean-Paul Lambert
Axe 1 : Gérer des besoins et des usages
1. Cadre général
Pour situer cette contribution, en quelques mots…
On a suffisamment pensé le capitalisme et ses méfaits. Il s’agit maintenant de le remplacer.
Tout modèle vraiment alternatif, qui ne fasse pas de l’anticapitalisme de façade, doit donc s’attaquer au principe même de son fonctionnement : c’est-à-dire à l’obligation de faire des profits monétaires croissants.
Or, il existe aujourd’hui un outil devenu d’usage courant : l’informatisation des données,
grâce à laquelle ces profits monétaires, il est possible de les abolir, et ceci par la voie la plus directe : par l’abolition de la monnaie elle-même.
Cette abolition exige de nous approprier, et de pousser encore, dans l’intérêt de tous, des procédés qui se pratiquent déjà couramment, comme l’usage des codes-barres.
Il est bien clair qu’abolir la monnaie bouleverse l’usage que nous avons d’un modèle politique, appelé démocratie, où les décisions sont aujourd’hui prises en fonction des impératifs de la croissance des profits monétaires et non de l’entière capacité que les usagers devraient avoir de choisir leurs usages.
Qu’est-ce qu’une démocratie sans monnaie va changer, par exemple, dans le domaine qui nous a rassemblés, ici, à Saint-Jean, le domaine de l’habitat ?
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…4. Se réapproprier les décisions
Démocratiquement parlant, une décision, ça porte ou devrait porter sur quoi ? Ça touche ou devrait toucher exclusivement à quoi ?
On peut s’en tirer par une réponse bien générale, comme ça touche à des conditions de vie qui intéressent tous les usagers.
Ce n’est pas faux, sauf qu’il est prudent de distinguer entre les conditions juridiques et les conditions matérielles, les usages juridiques et les usages concrets.
Les conditions juridiques, c’est l’égalité des droits, le droit de vote, l’impôt pour tous, l’obligation de défendre la patrie si elle est en danger.
Mais ces droits, il ne suffit pas de les déclarer et d’en empiler de nouveaux sur les anciens, comme le droit au travail et le droit au logement.
Encore faut-il les appliquer, encore faut-il que les usagers en jouissent.
Arrêtons-nous justement sur ce droit au logement qui touche directement au sujet de ce 2e colloque de Saint-Jean. I1 est depuis peu devenu « opposable » c’est à dire que l’Etat vous le doit. Mais l’Etat, le pauvre, les sous, il ne les a pas, il ne les aura jamais, ou jamais assez
pour acheter ou racheter les terrains ou les immeubles, il ne les aura jamais non plus ouvrir les chantiers. Il ne les aura que s’il recourt à l’emprunt.
Pourtant, les terrains et les immeubles, ils sont là ? Et quand les promoteurs immobiliers et le Bâtiment se décideront à bouger, ils trouveront les matériaux, les grues et même des salariés à embaucher ?
Ce que les entreprises de bâtiment utiliseront demain quand elles auront obtenu des crédits, ça existe déjà et ne demande qu’à servir.
Qu’est-ce qui leur fera prendre la décision, d’abord et avant tout ?
L’assurance, comme pour n’importe quel autre produit, qu’il s’agisse de sucrades ou d’ampoules à basse consommation, que l’opération sera monétairement profitable.
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Imaginez maintenant que le profit monétaire ne soit plus la clé de tout. Que votre simple droit de subsister, via le salariat, les retraites, ne dépende plus de la part de profits redistribués par la croissance monétaire. Imaginez que votre façon de vivre elle-même, vos moindres espérances, ne dépendent plus des profits que l’économie monétaire peut en retirer.
Une expérience célèbre, celle des Castors, redevient possible et peut être poussée, étendue, dans des directions nouvelles.
On appelait Castors des mal logés qui avaient déjà un certain revenu. On leur créditait l’achat des matériaux, à condition de s’en servir en suivant des plans. Les Castors n’étaient pas tous « des manuels », comme on disait alors. Ils ne demandaient qu’à apprendre, et ceux qui savaient ne demandaient qu’à partager leurs savoirs. Ils adaptaient les plans aux conditions locales plutôt que le contraire…
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Dans une société sans monnaie, l’habitat peut redevenir l’affaire de tous.
Il redevient imaginatif et peut tirer un parti maximum des moyens locaux. Ce qui n’exclut pas d’aller chercher ailleurs des matériaux dont on a besoin.
Leur fourniture et leur qualité ne dépend plus des prix que vous allez devoir payer.
Elle dépend des deux seules conditions qui soient acceptables :
1° la condition écologique : est-ce qu’on a les moyens matériels ou non, et leur usage est-il compatible avec l’environnement.
2° la condition démocratique : est-ce que les usagers ont l’initiative de l’expérience et comment peuvent-ils en conserver le contrôle ?
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…6. La preuve par l’usage
Dans une économie sans profits monétaires et sans monnaie, il y aura certainement encore des modes, et des préférences. Mais elles ne seront plus décidées, dictées par votre budget-monnaie, par le prestige monétaire du garage et de la piscine privée.
Vous pourrez réfléchir à toutes les implications d’un usage, observer comment une petite variation de rien détruit ou entraîne une tout autre écologie d’usages…
PROSPER
pour la maîtrise de leurs usages par les usagers
pour en savoir plus sur les hypothèses de la revue
www : prosperdis.org
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