Le « droit à vivre » face au droit de propriété – Clément David
Faire peser dans la balance de la justice le « droit à vivre » face au droit de propriété.
Le droit humain, reconnu par les écoles de droit comme un droit subjectif, nous amène aujourd’hui à faire peser dans la balance de la justice : le droit à la subsistance face au droit de propriété.
La subjectivité de ces droits est facile à démontrer.
Posséder du foncier ne peut être résumé par l’article 544 du code civil français spécifiant :
« La propriété est le droit de jouir et disposer de biens de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et les règlements. »
Certes, la propriété, antérieure à l’État, est absolue. Mais, les individus ayant convenu de former une société, toute loi est une émanation de leur consentement, une expression de leur volonté. Aussi la restriction est-elle légitime. Bonaparte tenait à sauvegarder la surveillance générale que devait exercer l’État sur les biens des particuliers. Portalis, fort réaliste, ne craignait pas de déclarer : « Il n’est pas question d’examiner ce qui est le plus conforme au droit naturel, mais ce qui est le plus utile à la société. »
Encore convient-il de s’entendre sur le mot « loi ». Les artisans du Code civil ont-ils suivi Pothier, pour qui le terme comprenait aussi bien les lois naturelles que les lois civiles ? Ce n’est pas l’opinion du législateur de l’an VIII, qui joint au terme « loi », celui de « règlements ». Ainsi pour Robespierre, la propriété était « le droit qu’a chaque individu de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi », et non pas un « droit sacré ». C’est bien ainsi que l’entendirent les tribunaux auxquels fut soumis le projet de l’an VIII.
Et voilà comment fut établie, et adoptée, la distinction entre le droit « le plus absolu », et l’usage de ce droit, limité, dès sa reconnaissance, par l’utilité commune, dont l’expression se trouve dans les lois et règlements.
On voit que l’expression restrictive de l’article 544 du Code civil, tout en reprenant, pour partie, une proposition romaine, n’a pu être forgé que sur un contresens.
Dans l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 on parlait de «propriétés privées» au pluriel. Sous entendus, plusieurs droits clairement définis :
- Droit d’usus (d’usage).
- Droit de fructus (de produire un profit).
- Droit d’abusus (de spéculer sur la valeur vénale).
Dans l’exercice du droit de propriété, la notion d’intérêt général prime sur la notion de droit et d’intérêt personnel. Le droit « immuable et sacré » devient un droit délégué par la société à l’individu capable de l’exercer dans l’intérêt de la collectivité et qui peut lui être retiré s’il se révèle incapable d’un tel exercice. Seul l’intérêt de la collectivité étant « sacré » et non l’arbitraire de l’individu devenu plus puissant qu’un monarque sur sa propriété.
Prenons maintenant la subjectivité du « droit à vivre ».
Il est compliqué voir impossible d’avoir un jugement objectif lorsque l’on parle d’utilité publique. Les intérêts individuels étant aussi divers qu’il y a d’individus, nous sommes réduits dans notre fonctionnement actuel à ne parler que de majorité ou de minorité. Comme la diffusion de l’information est maîtrisée par une minorité, la majorité devient elle-même subjective.
Comment connaître où est l’intérêt collectif ? Pour ne pas nous égarer dans les diverses propositions de fonctionnements tels que la démocratie participative ou la démocratie directe, nous résumerons par le fait qu’il va de soit qu’il faille tenir compte des minorités et leur permettre de vivre leurs choix tant que ceux-ci ne nuisent pas à la collectivité (notion subjective).
De plus, le droit à la subsistance, à protéger la planète semble objectif. Il est supraconstitutionnel et si les intérêts privés d’une minorité ne passaient pas devant ceux de la collectivité, le droit de propriété retrouverait sa place.
Lorsque l’on aperçoit dans de nombreux pays l’injustice criante que permet le droit de propriété. Au point d’entretenir des populations entières dans la misère au profit de quelques propriétaires terriens de l’âge de la colonisation.
Lorsque l’on voit les décideurs actuels transformer nos campagnes en déserts et permettre les propriétaires terriens de polluer de manière irréversible. Lorsque l’on voit qu’il est quasi impossible d’obtenir de l’espace pour des projets sociaux ou écolos innovants.
On est en droit de se demander quelle place a le « droit à vivre » face au droit de propriété des moyens de subsistance.
Clement David – 02 février 2009
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